Je suis entrée « officiellement » dans la confrérie BRCA au printemps 2015. Traduisez : j’ai découvert que j’étais porteuse de la mutation au printemps 2015 …
Qu’est-ce qui m’a fait pousser la porte de l’onco-généticienne si tard, à 57 ans, alors que le vers était dans le fruit depuis la maladie puis le décès de ma sœur en 2008 ? Le courage me manquait. Les années passant je me racontais avec complaisance que je n’étais certainement pas porteuse puisque pas malade. Bref, la politique de l’autruche me convenait, même si à chaque contrôle annuel d’IRM-écho-mammo je m’octroyait un bon shoot d’adrénaline. J’aurais pu rester dans l’ignorance. J’aurais pu ne jamais être malade. J’aurais pu l’être. J’aurais même pu en mourir …
Qu’est-ce qui m’a fait pousser cette porte ? Mes enfants.
Commençons par le début. Ma mère a développé un cancer du sein en 1971. Elle avait 35 ans et 4 enfants. Elle s’est battue. Mastectomie, chimiothérapie, radiothérapie, ovariectomie. Après un long et difficile parcours elle en a guéri. Des années plus tard, en 1992, au décès de mon père elle a développé sur l’autre sein un second cancer. Elle en a guéri.
Lorsque ma fille ainée m’a parlé de boule dans le sein j’ai pris peur. L’échographie nous a rassurées, il ne s’agissait « que » d’adénofibrome et non d’un cancer mais j’ai eu à ce moment-là le déclic : ce dépistage qui m’effrayait tant et que je repoussais depuis plusieurs années, je n’avais plus le droit de lui tourner le dos. Il fallait que je sache, non pas pour moi, mais pour mes 4 enfants.
La mutation était identifiée grâce à ma sœur et ma mère et j’ai été rapidement fixée. Le choc a été dur à encaisser mais il fallait que je regarde à présent la vérité en face : je suis bel et bien porteuse de la mutation et par conséquent mes enfants ont une probabilité de 50 % de l’être également. C’est la première pensée qui m’est venue. Ensuite j’ai réalisé qu’il allait falloir prendre des décisions radicales pour moi. Je n’ai eu aucun mal à me décider pour l’ablation des ovaires du fait de mon âge. L’intervention a donc été réalisée par cœlioscopie « dans la foulée » ; en revanche pour la mastectomie ça a été très difficile mais je me suis dit que si j’avais eu jusqu’à présent beaucoup de chance de n’avoir pas déclaré de cancer du sein il était déraisonnable de parier sur l’avenir. J’ai subi en septembre 2015 une première intervention : mastectomie bilatérale + pose d’expender et en décembre la seconde pour la pose des prothèses. Même si les suites ont été douloureuses et s’il m’a fallu accepter la perte de sensibilité de mes nouveaux seins je suis à présent soulagée. Je peux regarder sereinement mon avenir sans m’angoisser à chaque palpation mammaire ou à chaque examen d’imagerie.
Mes enfants m’ont beaucoup soutenue dans ma démarche. Pour ce qui les concerne, à l’annonce de leur risque ils n’ont pas réagi de la même façon, et c’est bien compréhensible. Mes filles alors âgées de 27 et 23 ans ont souhaité connaître leur statut. Pas mes garçons qui préfèrent différer l’information lorsqu’ils auront des enfants. Pour ma fille aînée le résultat est mauvais. Nous allons avancer avec ce lourd bagage ! C’est en pensant à elle et à toutes les jeunes filles et jeunes femmes porteuses de la mutation que j’ai rallié l’association. J’ai vraiment ressenti le besoin d’œuvrer pour que personne ne se sente isolé face à la connaissance des risques liés à la mutation BRCA1 ou BRCA2.
Par bonheur ma plus jeune fille est indemne. Elle a souhaité que je l’accompagne pour le rendu des résultats. L’angoisse était telle que lorsque la généticienne nous a dit « tout va bien » je me suis écroulée en larmes sur le siège…
Mon autre sœur n’est pas porteuse. Mon frère ne veut pas savoir et comme il n’a pas d’enfant il n’est pas motivé pour faire le dépistage. Il assume les risques masculins liés à la mutation. Ma sœur décédée a 2 enfants. Sa fille vient d’apprendre qu’elle porte malheureusement ce lourd héritage. Son fils n’a pas encore fait le dépistage, il se donne quelques années.
Maman est issue d’une famille nombreuse, 4 sœurs et 2 frères. Personne parmi ses ascendants, ses oncles et tantes, ses frères et sœurs, cousins, cousines, neveux, ou nièces n’a développé de cancer du sein ou de l’ovaire. Il s’agit d’une mutation dite « de novo » qui a débuté avec elle et que, malheureusement, elle nous a transmis.
J’ai à cœur de veiller sur ma fille et ma nièce porteuses du douloureux héritage, mais aussi de veiller aux garçons car la politique de l’autruche n’est pas une politique raisonnable !