Avant même que Maman me parle du risque de transmission de la mutation, je savais déjà qu’il existait. Au lycée j’ai fait un bac S option SVT et je suis passionnée de biologie, je ne me souviens plus quand ni comment mais je l’ai compris. Je pense que c’est Maman qui a dû me dire que si j’étais porteuse de la mutation, le cancer ne pourrait pas se développer avant mes 30 ans. La question du test était alors restée en suspend jusqu’à ce que je veuille prendre la pilule. Ma maman et moi allons voir la même gynéco, elle était donc au courant de son cancer et du risque pour moi. Elle refusait de me prescrire la pilule tant que je n’avais pas fait le test. J’ai alors commencé à me renseigner sur le test génétique et j’ai su qu’il fallait être majeur pour le faire.
Finalement ma gynécologue s’est renseignée auprès d’autres spécialistes qui lui ont dit que le fait de prendre la pilule n’était pas un facteur aggravant si j’étais porteuse de la mutation, elle a pu me la prescrire. La question du test n’était alors plus une priorité mais je m’étais tellement torturée l’esprit à savoir s’il fallait que je le fasse ou non que j’ai continué à y réfléchir. Je ne supportais plus d’être dans le doute, je voulais savoir.
Je consultais quelqu’un dans un CMP (Centre Médicaux Psychologique) qui a cherché à savoir si j’étais véritablement décidée à faire ce test. J’ai continué à le voir jusqu’à l’obtention de mes résultats. A partir du moment où j’ai eu 18 ans (c’était en 2006), j’ai demandé à cette personne de faire un attestation pour prouver mon suivi et je suis allée voir l’oncogénéticien avec mon père (Maman était hospitalisée à cette période). L’oncogénéticien a alors voulu m’expliquer ce qu’était cette mutation et ses conséquences mais il ne m’a pas appris grand chose de plus. Le soir même j’ai fait la prise de sang, j’y suis retournée une semaine après pour la deuxième prise de sang. J’essayais de ne pas trop penser aux résultats mais je dois reconnaître que c’était difficile.
J’étais en terminale, le lycée nous avait organisé un voyage à Barcelone. J’avais calculé que d’après ce que m’avait dit le médecin, j’aurais dû avoir les résultats avant le voyage. Ca n’a pas été le cas. C’était la période de Noël, j’ai cru que le médecin avait les résultats mais qu’il voulait attendre la fin de cette période de fêtes pour me les annoncer. J’avais alors de plus en plus la crainte qu’ils soient positifs, je me disais que si c’était négatif, il me l’aurait dit à la date prévue. Cependant, je voulais toujours connaître les résultats, je m’obstinais à me dire que même s’ils étaient positifs c’était une bonne chose, une chance, de le savoir.
Puis, j’ai reçu un papier par la poste, disant que l’hôpital avait mes résultats. Drôle d’effet. J’ai commencé à douter. Je voulais faire médecine, je me disais « Quand j’aurai fini mes études, ce sera peut être le début du cancer. Est-ce que je ne ferais pas autre chose si les résultats sont positifs? ». Je doutais de plus en plus sur l’intérêt de faire ce test maintenant, d’un autre côté je ne supportais pas l’idée d’ignorer la présence ou non de cette mutation alors que je pouvais le savoir.
Le jour de l’annonce, je suis allée au rendez-vous avec Maman. Il y avait des bouchons, ma maman râlait parce qu’on risquait d’être en retard. Pour moi, c’était l’inverse. J’espérais qu’il y ait tellement de bouchons qu’on ne puisse plus aller au rendez-vous parce qu’il serait trop tard. Mais on est arrivées à l’heure. Là je dois dire que j’avais vraiment peur.
On n’a pas eu le temps de s’asseoir que le médecin a tout de suite dit: « Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps, le test est négatif. » OUF. Je suis restée sans rien dire. J’étais ailleurs. J’étais tellement persuadée que le test allait être positif ! Quel soulagement. Ma maman était euphorique. Avec tout ce qu’elle avait traversé, ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vue comme ça. Elle devait parler avec l’oncologue de sa dernière opération alors je suis sortie. Et là… J’ai pleuré. Pour la première fois de ma vie j’ai pleuré de joie. J’ai tout de suite appelé mes meilleurs amis et mon copain qui m’avaient beaucoup soutenue. Pendant plusieurs semaines je me suis sentie différente. Je n’avais plus à remettre en question quoi que ce soit, tout était possible.
Aujourd’hui, évidemment, comme je sais que je n’ai pas cette mutation, je ne regrette pas d’avoir fait le test. Mais avec du recul, je me demande toujours quelle aurait été ma réaction si le test avait était positif. Aurais-je tenté médecine? Je pense que c’est une chance énorme de pouvoir connaître le risque que l’on a de déclencher un cancer. Plus on fera de prévention, de dépistage, plus vite il sera décelé, plus vite il sera pris en charge, plus on aura de chance de pouvoir le soigner complètement. D’autant plus que les traitements sont moins lourds pour un cancer débutant.
Je vous ai écrit un long récit, je pense avoir été précise, j’espère que mon histoire pourra vous aider.